2017 La mort ? la belle affaire !

Ben il y eut le premier le deuxième et le troisième jours
trois jours pour semer se rassembler
se lancer et planter racines
le quatrième jour arriva
il était déjà chaud au réveil
on ne savait pas encore ce qui naîtrait ce jour-là
mais on peut raconter que le premier jour arriva la vague des noms des chers disparus
tellement grande cette vague qu’elle dura jusqu’au deuxième jour
arrivèrent aussi des êtres des bois
sa majesté des mouches, le renard, le loup-sanglier
la petite madame morte et sa sœur
le troisième jour une tribu de masques des garlopotes, masque rituels ressemblant un peu aux oiseaux
puis aussi deux autels en constructions
et dix-sept mots jolis comme chagrin larme céleste étoile passage
voyage
et le début des êtres-fantômes du petit cimetière imaginaire
et trois visages de peupliers d’ici tombés pour faire des cagettes
et des allumettes
Et puis le cinquième jour se leva
il faisait clair de jour très tôt
les oiseaux chantaient bien avant 5 heures
la veille le quatrième jour
après une traversée en solitaire de trois ou quatre d’entre nous
la porte s’ouvrit dans l’après-midi
une dizaine de fois
personne ne s’était donné le mot et pourtant
c’était bien comme si
les mots jolis continuaient d’être tracés
on en était à treize le soir
les gens-fantômes du cimetière imaginaire étaient
au nombre de dix-sept
on vit apparaitre un racinaire toucan
un mini monstre
un couple totémique du temps où l’homme était fécondé par la femme
une descente aux enfers
et deux petites urnes de terre
un peu plus loin se construisait un autel
et puis bien avant que le soleil ne se couche
tous s’envolèrent
un temps
et le silence le beau silence vide et plein reprit l’espace
Et le sixième jour arriva
il faisait frais très frais le matin
la veille on avait ressenti de la fatigue
les journées étaient longues
mais ça continuait de venir
les yeux de la tombe étaient au nombre de neuf
une femme réincarnée en oiseau une autre en poisson bleu
deux structures de bambous étaient sorties de terre
les mots jolis sur fond noir étaient maintenant dix-sept
des urnes maisons de hobbits
les fantômes-gens du cimetière des garlopotes seraient 25
on avaient fabriqué une pierre tombale pour chacun
des voix s’étaient posées dans l’enregistreur
elles racontaient des choses sur la mort
on avait réfléchi sur un endroit appelé le passage
qui serait en fait un endroit où l’on aurait envie de rester
pendant ce temps les hirondelettes grandissaient comme par magie
déjà elle avait onze jours
on avait donné la consigne de ne pas les déranger
Il y eut une septième jour
c’était dimanche les petites hirondelles se dissipaient
et leurs parents veillaient avec constance à tout
deux petites quittèrent le nid devenu vraiment exigu
une fit sa chambre sur l’escabeau et l’autre en dessous sur un sarment
les adultes continuaient de les nourrir
en haut en bas
quel boulot cinq bébés oiseaux
on était prié d’aller faire pipi ailleurs
la journée très chaude passa tranquille
toujours des choses qui naissaient
une réincarnation en chien en girafe en tournesol
des urnes peintes en blanc et noir
et la collection « d’animals » commencée la veille s’étoffa
il y avait maintenant 21 animals
le grand-duc de chinésie
la canarde aux perles
la baleine à pattes
le lion qui rêve de devenir singe
la licorne de charente
le tigre à pois
le crab
le zozio
l’autruche à poils laineux
le cheval à deux pattes
l’éléphant de coulonge
la canarde danseuse
le scolopitre
la louve sans dent
l’oiseau à tête de ballon
le zozio boudha
le potame
l’ours à pois
le chahuant
la canarde rêveuse
le tamanouir du coin
et le soir les hirondelles avaient investi un nouvel endroit
elles faisaient tout simplement chambre à part
Bon on était maintenant au onzième jour
pas facile de tenir la constance, la constante partout sur tout
ouh ouh
le fil avait continué d’être déroulé l’air de rien
comme un fil
on aimait cette sensation-là du fil transparent sur lequel on marchait
le monde continuait de venir mais on ne savait pas très bien compter
on n’aimait pas ça
compter
alors on avait lâcher cette affaire-là
les gens venaient c’est ça qui comptait tiens
être un deux trois… quelle importance
être oui ça oui
voir la porte s’ouvrir
les gens venir sans prévenir
la surprise
oui on aimait ça
il y en a qui disait « paraît-il » (ceux qui ne venaient pas)
quelle drôle d’idée de faire un festival sur ce thème
ils ne savaient pas peut-être comme ça fait du bien de parler de la mort de notre mort certaine
que c’était tout sauf triste
et qu’on pouvait en rire même
on s’organisait on savait où l’on mettrait les choses fabriquées et que ce serait beau et fort
comme on aimait ça le beau et le fort !!!
ah oui… beau et fort à pleurer même, ces pleurs-là on aimait ça.
On en était maintenant au seizième jour avec ce sentiment d’éternité très fort toujours.
Y avait-il eu quelque chose avant ce jour? Existait-on depuis si longtemps ?
Et la pluie existait-elle? On était sûre de rien. Les bébés hirondelles étaient bien parties oui.
Leurs parents s’affairaient pour recommencer refaisaient un nid dans un luminaire. Ce nid serait spacieux pas de doute. On espérait que l’agitation humaine ne les contrarieraient pas. Ça y était on avait commencé de sortir dans le hameau pour installer tout ce qui avaient été fabriqués. Toujours émouvant ce moment, cette dernière étape avant Le Festival. Cette ruche ces allers venues ces kilomètres parcourus pour voir ça ou ça. Vérifier valider Veiller veiller veiller. On était tout ébouriffée dedans dehors les yeux fatigués mais pétillants. On était sûre aussi que les clowns feraient un beau spectacle qu’ils allaient prendre leur envol. C’était tout comme on aimait.
Et le dix-huitième jour se leva. C’était l’été et la pluie était revenue par la grande porte. Il avait plu dru et la terre respirait. Les particules de pollution avaient rejoint les cours d’eau. Le tilleul était tout content. Les oiseaux prenaient des bains et nous aussi on se mettait sous la pluie. On pouvait dormir tranquille, la terre tournait il faisait frais.
On continuait l’installation, on inventait on rêvait autour de la mort et on était dans une ambiance toute douce. On entendait ici ou là des rumeurs sur le temps qu’il ferait et on se protégeait les oreilles pour garder foi en nous et notre étoile. Il ferait le temps qu’il ferait et puis voilà. On ne voulait pas se faire de soucis. On entendait dire qu’il y avait des travaux et une route coupée pour venir là… ah la la les déviations comme elles tracassaient les ami(e)s comme elles changeaient les habitudes. Ah les habitudes.
Bon si vous qui nous lisez sachez que arriver ici c’est possible tout à fait il suffit de regarder une carte et de partir avec un peu de temps d’avance au cas où.
Et de prendre parapluie chapeau imper… tout ça…. on était en été…alors
Et puis au dix-neuvième jour la lever du corps se fit difficilement le ciel plombé agissait donnait de la
lenteur et du poids à la fatigue. Bon, une sortie de douche en catastrophe pour accueillir les
frigidaires donna de la vie dans l’instant. On allait pas se laisser abattre par le temps. La pluie
donnait de la vitalité c’était simple et certain. On avait tout autour une équipe efficace et joyeuse. Ce fut la journée la plus pluvieuse depuis des mois, comme une épreuve soudain. Des seaux des trombes d’eau du vent et même presque du froid nous secouaient, nous petits êtres de rien du tout. Du coup l’essentiel le souffle et l’eau. Tenir bon et répondre aux gens juste leur dire que oui oui nous maintenions vaille que vaille, sauf mort subite cataclysme ou autre drame.
Vingtième jour du coup forcément. Le ciel semblait plus clément mais on ne savait plus trop si on pouvait faire confiance au temps. Du coup on avait mis un chapeau de paille pour conjurer le sort. Tout allait bien même si on avait dû travailler plus dur et plus long. Ça commencerait comme prévu avec les clowns ce soir on le savait. On trouverait on serait là pour ça. Il y aurait une ouverture. Et d’ici là on battrait la rue principale qui prenait vie qui prenait de l’allure et on ferait tout au mieux avec cette joie partagée de voir émerger cette beauté. On faisait ça pour ça pour la beauté des choses, uniquement pour ça. On espérait que vous auriez le courage de venir jusque là pour voir écouter rencontrer aimer ces instants.

Et puis le festival ouvrit son cœur malgré la pluie. Les clowns jouèrent le premier soir dans le salon cuisine de Sylvie la voisinamie. Et ils jouèrent devant un public de trente personnes et c’était magnifique de les voir là dans cet espace réduit, de les voir bouger sans heurt à douze, gracieux et généreux. Le lendemain le temps étaient plus courtois. Vingt-deux personnes arrivèrent pour l’atelier percussions de Léo, tout fraîchement arrivé par le train de Paris. Des gens de tous les âges des enfants même. À 10 heures ça commençait.
Ensuite tout s’enchaîna fluide. On continuait de regarder le ciel du coin de l’œil même si on n’y pouvait rien. Le petit concert des 22 percussionnistes se déroula à merveille ici dans la cour. Les clowns reprirent leur place dehors sur le beau plateau du jardin. Une deuxième comme une première. Un public nombreux rire et émotion. Force du ciel chargé de nuages et du coup confort pour le jeu, ce temps mitigé était bienvenu. Envie de pleurer les larmes au bord des yeux.
Dans le champ de pagaille, ce nouveau lieu découvert suite à l’abattage des peupliers, comme une sorte de cirque naturel jonché de restes d’arbres abattus, un champ chaotique où le nature avait déjà repris ses droits chapeau la nature ! Dans le champ de bataille donc eut lieu La Pelle de la terre, du théâtre. Un beau texte servi par deux comédiens qu’on avait eu la chance de diriger. Le thème parfait, deux fossoyeurs fossoyant effrayés par le temps qui passe.
Le lieu magique !
Et puis la vente aux enchères fût menée à la baguette et dans le rire par Frau Rupfe et un public généreux vif et joyeux.
Repas… superbe assiette préparée par Samia. Et puis concert dans la salle piano et violon. Alice, notre belle Alice avait invité Emily, une belle américaine. Duo unique et tonique. Et ici on peut s’asseoir par terre s’allonger pour écouter et ça c’est bien agréable. Beau beau beau.
Ensuite c’était la nuit. Surprise malgré la fatigue dans les jambe et le corps fourbu on y est allée la voir la cathédrale végétale, juste éclairée par des lampions, juste des lueurs qui dessinaient l’espace, la surprise et des chants, des voix qui sont venues dans ce silence, vraiment de la beauté qui fait pleurer encore.
Dormir un peu et c’est dimanche. Lever très tôt pour accueillir le public du matin. Sept heures dans le champ de pagaille couvrir les bottes de foin pour épargner les fesses des spectateurs venus voir Les Êtres de boue.
Voyage dans la lenteur, la solitude de ces êtres couverts de terre, entre statue, chair et pierre. Une femme dans les bras d’un homme au sol, il l’enduit de boue. Elle souffre cri silencieux. Une bouche douleur. Impassibilité. Le chant des oiseaux qui montent et la guimbarde. Ici là deux corps immobiles. De l’étrangeté de la profondeur un ailleurs.
Et puis petit déjeuner là tout près tout prêt. Partage voix sourire bonjour.
Neuf heures c’est le concert du matin. Alice joue Chopin. La grâce, les soupirs les silences les suspens…  le ciel toujours et les âmes qui se promènent, et qui écoutent.
Retour dans ce terrain de jeu arbres abattus. Une balançoire s’envoler dans ce champ dans ce chant au côté de Léo qui percute et d’Anaïs arrivée dans la nuit, toute là, belle entre les belles.
Chanter avec les pieds le silence le ciel encore les arbres et les oiseaux. S’offrir cet inconnu l’instant présent oser ce chant, ces chants ces musiques et cette écoute. La danse aussi. Invitation à qui veut de venir chanter et danser là. Et ça chante et ça danse, ça pourrait durer durer.
Et puis troisième des clowns, magnifique unique généreuse belle belle belle séance. Encore les larmes plein la tête de tant de beauté. Et une jolie et douce bruine juste à la fin du spectacle, la grâce, le ciel pleure doucement.
Et puis partager un repas sous le tilleulparapluie dans la cour, se rapprocher se frotter aux autres pour ne pas se mouiller, se tenir au chaud dans un joyeux désordre improvisé. Une voix qui s’élève une guitare la même voix entendue dans le noir la veille, un parler créole, une langue douce et crue. Qui chante ? un inconnu arrivé là on ne sait comment. C’est juste beau.
Arrive ensuite Évelyne avec ses racontars et les rires qu’elle provoque, à la fois fragile et forte. Suit une petite histoire à trois sur la mort et c’est un mélange délicieux de naïveté et d’humour. Un trio d’enfer Paul Stany Évelyne… une première pour l’occasion.
Et Virevolte ensuite qui porte bien son nom, Léo Jennifer et Camille, un trio tout jeune, harpe, percu et saxo, musiques à danser et ça danse. Ça glisse ça joue ça bouge et c’est beau comme tout.
Et puis jazz dans la salle, matelas par terre comme tu veux tu te mets et Michel jubile au piano.
Voilà c’est tout, enfin non, car Alice intarissable musicienne fait entrer son piano dans la cour et voilà Bach accompagné à la batterie par Léo… et puis ça se délite doucement la musique s’efface. Les derniers survivants c’est nous ici dans le silence et le plaisir de se regarder de s’écouter avant de se séparer demain.
Ont aidé et participé à cet instant Léo, Alice, Camille, Jennifer, Sophie et Sophie, Stany, Nicole, Daniel, Robert et Sylviane, Jojo, Jacqueline, Roger, Danielle, Frédéric et Laure et les Êtres de boue, Sylvie, Sylvie et Sylvie, Anne-Marie, Melvin, Sandy, Dominique, Christine et Michel, Marie-Pierre, Évelyne, Paul, Pascale, Françoise et Françoise, Samia, Catherine, Manue et Sébastien, Hélène, Brigitte, Anaïs, Jean Christophe, Laéti, Hélène, Thomas et Franck, Benjamin, Jean-Louis et Jean-Louis, Michel, Anne.
C’était magnifique c’est tout.

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