C’est samedi qu’on a vécu ça. À Marseille on était, dans cette ville mythique, jamais vue juste entendu parler d’elle. On était là dans ce quartier abandonné dans cette rue près du périphérique dans ce bruit de voitures cette rumeur de moteurs. Y avait des gens qui passaient mais pas de voix. Comme un silence dans ce bruit de fond. On était assise à la terrasse du seul lieu rescapé dans ce coin, un p’tit kebab comme on en voit partout. Trois tables juste sur le trottoir. On tournait le dos à la rue. Les gars du lieu très gentils nous ont apporté une assiette de frites/salade. Bon on avait demandé sans viande mais y avait quelques morceaux de jambon et puis des tomates cerise aussi. On a mangé les frites et la salade verte laissé les tomates et le jambon. À l’autre table près de la porte y avait deux hommes, du coin sans doute, qui conversaient. Et tout s’est passé pourtant dans le silence. Une femme très âgée très pauvre est arrivée près d’eux, pas de voix non plus, pourtant elle leur a demandé quelque chose. J’ai pensé qu’il la connaissait. Tu veux un coca ? Ils lui ont offert un coca et puis aussi un sandwich. Elle est restée là les yeux dans le vague debout à manger. Et puis on a payé par la fenêtre ouverte, et quand on s’est retournée, y avait un p’tit gars étranger affamé qu’a demandé à finir mon assiette. Tout s’est passé dans le silence. Surprise, on lui a laissé la chaise, l’assiette et du pain. Et il a mangé. On lui a donné un peu d’argent et une part de pizza aussi. Et la vieille femme lui a laissé sur la table la moitié de son sandwich et les deux hommes lui ont offert une boisson. Ça s’est fait dans le silence comme ça. Y avait que de la misère tout autour de ce silence et une grande humanité. On est partie travailler, chavirée.
L’édito de La Taupe n°127
Mar 7, 2017 | Les éditos de La Taupe